HISTOIRE
DE LA VILLE DE RIVE DE GIER -DU CANTON ET DE SES PRINCIPALES INDUSTRIES
par C. CHOMIENNE - 1912
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LE CHEMIN
DE FER
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Ce sont les besoins et les progrès des exploitations houillères qui ont donné naissance aux premiers chemins de fer, de même qu'ils ont provoqué la création de la machine à vapeur, dont le premier emploi a eu lieu dans les mines de charbon avant qu'elle ne devînt un moteur universel.
Les frais de transport, à partir de la mine, grèvent lourdement le prix de la houille. Il en était surtout ainsi à l'époque où l'on ne disposait pour ce transport que de chariots roulant sur les chemins ordinaires, défoncés par l'importance de la circulation. Aussi a-t-on cherché de bonne heure à perfectionner les routes qui desservaient les mines, en substituant à l'empierrement ou au pavage une surface de roulement unie et régulière, pour diminuer l'effort de traction.
La concession de Saint-Etienne à Andrézieux fut demandée par M. Beaunier, en 1820. Elle ne fut, accordée que trois ans après, par ordonnance royale du 26 février 1823, et fut livrée à la circulation des marchandises le 30 juillet 1827. Cette ligne se trouve ainsi être la première des voies ferrées établies en France.
Le 27 mars 1826, les cinq frères Seguin et le fils du savant physicien Biot, constitués en Société, avaient obtenu la concession d'une nouvelle ligne de Saint-Etienne à Lyon et commencé les travaux. Deux ans après, MM. Mallet et Henry entreprirent la ligne d'Andrézieux à Roanne.
La ligne de Saint-Etienne à Lyon passait par Saint-Chamond, Rive-de-Gier et Givors, assurant ainsi les débouchés de la région vers l'Est et le Midi de la France.
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Grand'Croix - La Gare |
Malgré les difficultés du terrain et au prix de dépenses considérables
(Cette ligne à coûté 14.500.000 francs, portant à 248.000 francs la dépense
kilométrique. Le prix des terrains joint à l'importance des travaux explique ce chiffre
élevé) M. Seguin donna à cette ligne des pentes uniformes et prolongées et un tracé assez régulier pour permettre sur toute sa longueur l'emploi de locomotives munies des perfectionnements qu'elles reçurent peu après.
Cette ligne fut entièrement terminée en février 1833. Elle reçut la qualification de à voie
normale, c'est-à-dire avec un écartement de 1m45 entre les bords intérieurs des rails. Cette largeur de voie a été adoptée depuis par toutes les Compagnies françaises et à peu près par toutes les nations
européennes. Font exception pour des raisons stratégiques : Espagne (1m670 à 1m676), Russie (1m523), Etats-Unis (1m44 à 1m83), Canada (1m44 à 1m68), Brésil (1m6o), Est Indien (1m67).
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Saint-Etienne - Gare de Châteaucreux
1857 c’est l’année de construction de la première gare de Châteaucreux. En bois elle fut remplacée en 1882 par un bâtiment plus vaste et plus robuste. La gare repose sur 300 vérins hydrauliques situés sous les fondations qui servent à amenuiser les effets des galeries de mine dans le sol. Au début des années 1910, ce sont alors près de 860 000 voyageurs qui « embarquent » chaque année à
Châteaucreux. |

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Le profil en long fut composé de longues parties à déclivité presque uniforme : de Lyon à Givors (18.787 mètres"), rampes inférieures à 0m001 ; de Givors à
Rive-de-Gier (15.644 mètres), rampes de 0m006 ; de Rive-de-Gier à Saint-Etienne (22.575
mètres), rampe continue de 0m014 à peu près, avec un premier souterrain de 1.500
mètres, franchissant le col de Terrenoire, un deuxième de 1.000 mètres à
Rive-de-Gier et de nombreux autres tunnels entre Rive-de-Gier et
Givors. La longueur totale était de 58 kilomètres environ.
La ligne partait de la presqu'île Perrache, à Lyon, suivait successivement les vallées du Rhône, du
Gier, du Janon, se reliait à Pont-de-l'Ane au chemin de fer d'Andrézieux et aboutissait à la
Montat, à l'entrée de la ville de Saint-Etienne. Elle avait nécessité de nombreux ouvrages d'art, notamment un grand pont sur la
Saône, près du confluent du Rhône, à la sortie du tunnel de la
Mulatière.
La ligne fut établie à deux voies, excepté dans les souterrains de
Terrenoire, de la Mulatière et de Rive-de-Gier qui furent percés à une seule
voie.
On employa d'abord un rail en fer laminé, de section constante, pesant 13 kilos le
mètre, retenu par des coins en fer dans des coussinets pesant 4 kilos et posés sur des dés en
pierre, auxquels les coussinets étaient fixés par des chevilles de bois.
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Saint-Etienne - Gare de Châteaucreux |
Mais on reconnut bientôt la nécessité d'une voie plus forte. Dès 1836, on remplaça le rail de 13 kilos par un rail à section
rectangulaire, pesant 26 kilos le mètre. En 1838 on porta le poids du rail à 30 kilos, tout en conservant les dés en
pierre.
A partir de 1841, on employa un rail à double champignon de 3o kilos ; chaque rail, de 4m6o de
longueur, portait sur trois dés en pierre et sur trois traverses en bois ; les joints des deux rails ne se correspondant pas, chaque traverse se
trouvait, d'un côté sous un joint, de l'autre sous un coussinet intermédiaire ; les espacements des supports voisins des joints étaient de 0m8o et les espacements intermédiaires de 1
mètre, ce que permettait la position indépendante donnée aux dés de chaque file de rail
( DELESTRAC : Congrès de l'avancement des sciences de Saint-Etienne
1897)
On n'avait pas tardé à remarquer que le roulage sur les traverses en bois était plus
doux, moins bruyant, moins fatigant pour la voie et pour le matériel que sur les dés en pierre qui formaient une masse sans
élasticité.
En outre, le moindre défaut dans la position des dés tendait à resserrer ou à élargir la voie et à donner aux rails une inclinaison qui facilitait leur usure et diminuait leur
durée. L'emploi de la traverse en bois fut généralisé et les dés en pierre de l'ancienne voie furent utilisés pour la construction des gares et des ouvrages d'art. On reconnut aussi l'avantage d'interposer entre le rail et le coussinet un coin
élastique, en bois sec, au lieu du coin en fer primitivement
employé.
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Saint-Etienne - Gare de la
Terrassse
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En 1855, lors de la rectification des lignes de Rhône et Loire, on adopta un rail à double champignon de 36 kilos, posé sur traverses de bois. Aujourd'hui, la Compagnie P. L. M. emploie un rail en acier, à patin, de 48 kilos qui est devenu nécessaire par l'adoption des puissantes locomotives et par la vitesse croissante des trains.
La partie de la ligne de Lyon à Saint-Etienne qui fut mise eu exploitation est celle de Givors à Rive-de-Gier. Elle fut ouverte le 28 juin 1830 au service des marchandises, le seul que l'on eut en vue lors de la concession. Le 3 avril 1832, la section de Lyon à Givors fut utilisée pour le transport des marchandises et pour le service des voyageurs, que l'on organisa à cette époque. La dernière section, de Rive-de-Gier à Saint-Etienne, fut ouverte le 1er octobre 1832 au service des voyageurs seulement, et le 25 février 1833 à celui des marchandises.
A l'origine, l'exploitation a été faite au moyen de chevaux, pour les marchandises comme pour les voyageurs. Les trains descendaient à Rive-de-Gier par le seul effet de la gravité. Chaque voiture avait un frein et on poussait à l'épaule pour le démarrage. Les voitures de voyageurs, notamment, prenaient rapidement une vitesse de huit mètres par seconde, que l'on réduisait en moyenne à 5m50 au moyen des freins.
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Saint-Chamond - La Gare |
C'est en 1833 que les premières locomotives de M. Marc Seguin furent mises en service sur la section de Lyon à Givors, dont les rampes étaient inférieures à 0m001. Elles furent employées un peu plus tard entre Givors et Rive-de-Gier sur des rampes de 0m06
( M. Marc Seguin avait pris, le 12 décembre 1827 un brevet pour une chaudière tubulaire qui permettait, au moyen de tubes plongés dans l'eau de la chaudière, de multiplier les surfaces de chauffe et d'augmenter la production de vapeur. Les gaz provenant de la combustion passaient à l'intérieur d'une série de tubes avant de se rendre, à la
cheminée)
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Locomotive Seguin |

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Les Stephenson, en 1829, eurent l'idée d'augmenter le tirage du foyer en utilisant l'échappement de la vapeur par la cheminée. Dès que M. Seguin eut connaissance du mode de tirage artificiel obtenu par les Stephenson, en injectant dans la cheminée la vapeur qui avait servi dans les cylindres, il s'empressa de l'adopter, en raison des avantages qu'il présentait sur le système plus compliqué des ventilateurs qu'il employait, et qui avaient l'inconvénient de provoquer des coups de feu destructeurs par le passage de courants d'air violents sur les parties de la grille peu garnies de combustible
( En 1838, la Compagnie possédait 12 locomotives à cylindres verticaux et 4 à cylindres horizontaux. Les 2 systèmes différaient peu quant aux résultats obtenus) |
Rive de Gier - La Gare |
Mais ces machines, pesant 14 tonnes, n'étaient pas assez puissantes pour remorquer économiquement les trains de marchandises sur la rampe de 0m014 qui va de
Rive-de-Gier à Saint-Etienne. On ne pouvait les employer que pour les trains de voyageurs, qui avaient ordinairement un petit nombre de
voitures. Lorsque le nombre des voitures dépassait cinq, deux machines étaient
nécessaires.
La remonte des marchandises entre Rive-de-Gier et Saint-Etienne continua donc d'être faite par des chevaux jusqu'en 1844
(On y employa même quelquefois des bœufs)
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Saint-Chamond - La Gare
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Au commencement de 1843, M. Verpilleux proposa
à la Compagnie de se charger de la remonte des wagons de marchandises
entre Rive-de-Gier et Saint-Etienne au moyen de locomotives de son
invention, qui devaient, remplacer la traction par chevaux.
Après divers essais, les résultats étant
concluants, ces machines furent adoptées.
La locomotive de M. Verpilleux différait des
locomotives ordinaires en ce que son tender avait des roues couplées
et, portait deux cylindres qui recevaient, comme ceux de la locomotive
proprement dite, la vapeur de la chaudière dotée dans ce but d'une
puissance de vaporisation suffisante.
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Locomotive Verpilleux |
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On avait ainsi une machine à quatre cylindres
et à quatre essieux moteurs, dans laquelle le poids entier du tender
concourrait à l'adhérence, sans que le rail fût fatigué par des
roues trop chargées. La machine entière pesait 23 tonnes, ainsi
réparties : 12 tonnes pour la locomotive, 11 tonnes pour le tender.
Cette machine pouvait remonter jusqu'à 52 wagons vides, comme effort maximum. Mais la remorque habituelle se composait de 40 wagons vides ou de 16 wagons chargés chacun de trois tonnes
(Avant l'emploi de ces locomotives, la remonte des wagons entre Rive-de Gier et Saint-Etienne coûtait à la Compagnie 2 Fr. 25 par tonne.
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Rive de Gier - La Gare d'Egarande (re)construite en 1860 |

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M. Verpilleux ayant pris l'entreprise de cette remonte pour 10 années, au prix de 1 Fr. 60 par tonne, réalisa à la fois une économie considérable à la Compagnie et de beaux bénéfices pour
lui-même)
Le service des voyageurs fut fait au début exclusivement avec des voitures de première et de seconde classes ; elles étaient d'aspect modeste et la suspension laissait beaucoup à désirer. Ce ne fut qu'après la prise de possession de cette ligne par la Compagnie P. L. M. qu'on ajouta des voitures de troisième classe et que le matériel fut complètement transformé.
En 1855, grâce à l'amélioration de la voie et à l'adoption d'un rail de 36 kilos, l'entreprise Parent et Schaken, chargée alors de l'ensemble de l'exploitation, put employer des machines plus puissantes à six roues couplées, de 35 à 37 tonnes, qui remplacèrent les locomotives Verpilleux pour la traction des marchandises sur les fortes rampes ; on augmenta en même temps la force des machines à voyageurs.
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Rive de Gier - Gare de
Couzon construite en 1857 |
Le 19 juin 1857, une loi approuva une série de conventions importantes. La Compagnie du Grand-Central disparaissait en partageant son réseau entre la Compagnie d'Orléans, d'une part, et les deux Compagnies de Paris à Lyon et de Lyon à la Méditerranée, de l'autre. La Compagnie d'Orléans cédait à ces deux dernières sa part dans la concession du chemin de fer de Paris à Lyon par le Bourbonnais. D'autre part, les Compagnies de Paris à Lyon et de Lyon à la Méditerranée se réunissaient en une seule Société, à laquelle se sont trouvées dès lors appartenir les anciennes lignes de Rhône et Loire.
De 1855 à 1858, on procéda à la reconstruction complète des trois premiers chemins de fer de la Loire. Cette œuvre considérable et difficile fut accomplie sans interrompre un seul jour l'exploitation. On élargit les tunnels de Terrenoire et la Mulatière pour y placer une double voie, l'ancien tunnel de Rive-de-Gier fut remplacé par un autre à deux voies et passant plus près de la ville, ce qui contribua à en diminuer la longueur.
Le matériel roulant fut transformé en même temps ; des wagons contenant dix tonnes de charbon remplacèrent les wagons primitifs qui portaient deux ou trois tonnes et les voitures à voyageurs subirent aussi de sérieuses transformations.
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Saint-Romain-en-Gier - La
Gare |

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C'est pendant cette période de réfection de la voie que la gare de Rive-de-Gier fut complètement reconstruite et au niveau actuel, les mouvements de mines avaient produit des affaissements considérables et le profil de la ligne était constamment modifié ; à ce moment, le sol de la gare se trouvait à près de deux mètres au-dessous du niveau des rails. Les matériaux de l'ancienne gare ont été utilisés pour la construction de la gare de Lorette qui a été édifiée en 1860.
En 1858, la gare de Grand'Croix, qui était édifiée au centre du bourg (actuellement 37, rue de Lyon), fut déplacée et reportée à la Bâchasse, afin de desservir plus facilement les villages de Saint-Paul, la Terrasse, Doizieux et surtout les usines de l'Horme, alors en plein développement. L'ancienne gare de Grand'Croix ne se prêtait pas à l'établissement d'une gare de marchandises, indispensable pour les usines de l'Horme et de la vallée du Dorlay.
L'installation de cette gare de marchandises donna lieu à la suppression du passage à niveau, la route Nationale fut déviée sur 5oo mètres de longueur et traversa la voie au moyen d'un pont métallique appelé pont de la Bachasse.
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Givors - Vue intérieure
de la Gare de Givors-Ville |
Tous ces travaux furent faits sous le contrôle du service des ponts et chaussées, mais aux frais de la Compagnie P. L. M.
Cette route avant la déviation était presque en ligne droite et la pente du côté de l'Horme était relativement faible.
La modification ne fut pas heureuse pour plusieurs raisons :
1° La pente de la nouvelle route (côté l'Horme) fut augmentée sérieusement ;
2° II y eut un coude assez brusque à la sortie du pont de la Bachasse, par suite, grande difficulté pour le transport des pièces lourdes ;
3° Ce pont était insuffisant comme tabliers, il ne pouvait être utilisé que pour des chariots dont le poids ne dépassait pas 20 tonnes.
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Givors - Vue intérieure
de la Gare de Givors-Canal |

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La gare de Couzon a été construite en 1857, afin de desservir la partie basse de Rive-de-Gier et en même temps de permettre aux verreries, ainsi qu'aux usines métallurgiques de ce quartier, de recevoir leurs matières premières et expédier leurs produits ouvrés, sans être tenues de les conduire à la gare d'Egarande, éloignée de près de deux kilomètres et déjà suffisamment encombrée par les produits des établissements situés dans le voisinage.
Par suite des affaissements de terrains dus à l'exploitation des mines, la gare de Rive-de-Gier se trouvait à deux mètres en contrebas du niveau de la voie ; elle a été reconstruite en 1860 au niveau qu'elle occupe actuellement.
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Rive de Gier - Gare de
Couzon construite en 1857 |
La gare de Lorette a été construite en 1862 avec les matériaux provenant de l'ancienne gare de Rive-de-Gier. Elle dessert les différentes usines métallurgiques ainsi que les mines et les usines de produits réfractaires.
On peut dire sans hésitation que la création des premiers chemins de fer a été un des plus grands bouleversements produits dans la vie des sociétés. Elle a réalisé, dans la question des transports, une transformation dont l'importance a dépassé tout ce que les plus optimistes avaient prévu ; enfin, elle a contribué à développer les industries de la région, telles que la métallurgie, la quincaillerie, la verrerie, etc., dans des proportions considérables. Nous devons cependant ajouter qu'il y a un faible ralentissement depuis quelques années ; de nouveaux tarifs plus avantageux s'imposent, de même que la construction du canal de navigation reliant la Loire au Rhône. Ce canal paraît destiné à renouveler, sous une autre forme, par un nouveau progrès, les bienfaits qu'avaient produits autrefois les premiers chemins de fer de Rhône et Loire.
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Lorette - La
Gare construite en 1862 |
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