GIVORS PORT FLUVIAL
Auteur : Julien PAGE
Editeur André Martel 45, rue de Belfort, à Givors - 1950
Orné de 217 dessins de Claude Bordet

LE PORT.

Cette période fut assez riche en événements inattendus. Les ports, et principalement le port de Givors, ont joué un rôle important. C'était sur le Grand Port que fut installé le corps de garde pendant « la Grande Peur ». C'était vers le Port des Verreries que se rassemblèrent officiers et soldats de la Garde nationale avant le défilé. C'était vers un bateau chargé que la population s'était précipitée le 16 novembre. C'était de nos ports que partaient Chomier, Mussieu, et plusieurs soldats pour répondre à l'invitation faite par la Fédération de Beaucaire, au printemps 1790 ! Les bons rapports entre mariniers rhodaniens ont toujours existé.

Aussi, la municipalité s'efforçait d'attirer l'attention de l'Administration supérieure sur le Port de Givors ravagé par les crues de 1789 et de 1790, en rédigeant un long mémoire, en décembre 1790.

« La situation de ce bourg, sur le fleuve du Rhône, a présenté de tous temps des avantages considérables à la navigation, pour le commerce qui s'entretient entre les parties du nord et du midi de la France. 

La Gare d'Eau

« C'est le lieu d'entrepôt des grains descendant par le Rhône et la Saône pour l'approvisionnement des provinces du Midi et de l'étranger ; c'est aussi le lieu d'embarquement des merceries, « quincailleries », soieries et autres objets provenant des manufactures des villes du Puy, Saint-Etienne et Saint-Chamond, destinés pour le Levant, l'Amérique et les colonies ; les charbons de terre provenant des carrières de Rive-de-Gier y ont leur entrepôt et s'y embarquent pour les provinces du Midi et l’Amérique.

« Les retours des navigateurs y rapportent le fer, les épiceries et marchandises de toute nature pour l’approvisionnement des villes du Forez, et de leur territoire, telles que Montbrison, Feurs, Saint-Etienne, Saint-Chamond, et autres moins considérables ; les vins du Languedoc et de la Côte du Rhône pour l'approvisionnement de Paris et celui des autres provinces du nord y ont aussi leur relâche, souvent même leur entrepôt.

« La position de ce bourg est une des mieux placées pour la relâche des bateaux, lors des gros temps. Situé au pied d'une montagne qui en fait l'enceinte, ses ports sont abrités des vents du Midi et de l'ouest qui sont les vents les plus à redouter pour la navigation sur le Rhône.

Le Port sur le Rhône

« Tels sont, Messieurs, l'utilité et les avantages qu'il présente. »

Après ce préambule, la municipalité demandait des crédits pour effectuer les réparations indispensables et suggérait que la vente des biens du Chapitre de Lyon devait le permettre, car « les dégâts n'ont été si graves que par la faute des seigneurs péagers qui en ont négligé l'entretien. » Les sommes seront mandatées en l'an II de la République française et les travaux immédiatement entrepris.

La suppression des privilèges permettait la réalisation du bac à traille, le 25 août 1791. Peillon et Laurenson acceptèrent, à leurs frais, risques et périls, de l'établir à la hauteur du port du Bief, sans gêner la navigation, suivant les indications données par Martinet Etienne, maire, et Pierre Collet, officier municipal, tous deux maîtres patrons sur le fleuve. Un moulin à eau près du bac et de la rive remplaçait le 12 octobre 1792, celui qui avait été emporté par la débâcle des glaces le 30 décembre 1788.

Le Gier et la Gare d'Eau - 1909

LE MAINTIEN DE L'ORDRE

On supprima les corporations. Le droit de coalition n'était pas reconnu par l'Assemblée Nationale Constituante. La liberté commerciale triomphait. Néanmoins les 40 crocheteurs du port s'entendirent fort bien pour réclamer un sou par quintal afin de charger la barquette de Pichat et Bonnardel voituriers de Vienne à Givors. Mussieu, maire, arbitra le conflit et accorda 9 deniers mais avec défense « de faire composer les marchands et de ne susciter aucune émeute. » (68)

Le 25 mars 1790, éclatait un mouvement « concerté depuis quelques jours et exécuté avec toute la fureur et la violence possibles. » Pendant que la municipalité et le bureau de la Fabrique, réunis dans l'église de Givors, étaient occupés à entendre les comptes avant de procéder à la nomination d'un nouveau luminier, plusieurs Givordins pénètrent en foule, en criant « qu'ils ne voulaient plus de bancs et qu'ils entendaient, de gré ou de force, les sortir. » En vain, on leur affirma que l'on prendrait en considération leur demande, qu'il ne fallait point user de violence, que l'église n'avait pas d'autres revenus. Ils crièrent à tue-tête : « Point de bancs ! » et, entrant comme des furieux dans l'église, ils se mettaient en devoir de les arracher. Plus tard, les 36 bancs étaient brisés, jetés en morceaux sur la place publique.

Une Borne présente au bord du Canal

« La municipalité n'a pas seulement à se plaindre de ce délit, mais aussi des dénommés J.-F. Bony et J.-C. Charroin qui ont presque toujours été à la tête des émeutes arrivées à Givors, et de celle d'aujourd'hui comme de celle du 15 novembre 1789 et de plusieurs autres dont aucun procès-verbal n'a été dressé. Ils tiennent partout des propos séditieux et incendiaires ».

Robichon et Peillon sont députés à Lyon pour obtenir main forte.

Le canal

Un mois plus tard, les esprits n'étaient pas encore calmés. Un attroupement fit plusieurs tours de la paroisse avec armes, tambour et fifre, malgré les interdictions formulées par le maire. Le 2 mai 1790, pendant que la municipalité était assemblée, le défilé recommença : « Nous avons entendu battre le tambour et ayant tous mis la tête aux fenêtres, nous avons vu arriver, sur la place de Givors, une troupe de gens armés de 18 à 20 hommes, à la tête desquels était le nommé Chartre, ayant un sabre nu à la main posé sur l’épaule droite, lequel donnait des signaux à un tambour et à un fifre. Nous avons reconnu François Berthier pour être le tambour et le nommé Savet, dit Besace, pour être le fifre. Nous allions leur demander pourquoi et par quels ordres, ils étaient ainsi armés. Mais ayant enfilé la rue de Merdary, nous les avons perdus de vue. »

Seulement le lendemain, 3 mai, quelques notables allaient acheter fusils, baïonnettes, sabres, gibecières, à Saint-Etienne.

Le canal envahi par la végétation

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