HISTOIRE DE LA VILLE DE RIVE DE GIER -DU CANTON ET DE SES PRINCIPALES INDUSTRIES  par C. CHOMIENNE - 1912

 

APOGE ET DECLIN DU CANAL DE GIVORS

 

L'utilité du canal, en 1789, se, trouvait dans les facilités offertes à l'exportation des charbons des mines de Rive-de-Gier à Lyon et, sur les rives de la Saône et du Rhône jusqu'à la Méditerranée, et au transport des fers qui se travaillaient à Saint-Etienne et à Saint-Chamond

C'est en 1792 que fut commencée la construction de l'Hôtel du canal. Les travaux en furent interrompus par la tourmente révolutionnaire de 1793, qui dispersa les administrateurs et fit placer le canal sous séquestre. La construction fut reprise en 1794 et terminée en 1796.

La ruine des transports par terre (Le transport de la houille se faisait à dos de mulets avant 1780) opérée par la concurrence du canal, fournil aux concessionnaires des mines l'occasion de faire des traités plus avantageux avec les acheteurs, des traités plus avantageux avec les acheteurs, et, dès ce moment, leurs concessions, auparavant peu lucratives, rapportèrent davantage.

 

Rive de Gier - Le Bassin du Canal

La navigation ne laissa pas de prendre quelque accroissement en 1781, moyennant des primes que la Compagnie accorda aux marchands de houille. Ces primes consistaient dans la remise d'un sol par mesure, lorsque dans le cours de l'année ils en avaient exporté par le canal de 80.000 à 100.000 mesures. Le tonnage, qui n'était que de 3.500 tonnes pour les deux années 1780 et 1781, s'élevait déjà à 14.500 tonnes en 1789. En 1807, il était de 26.000 tonnes et en 1820, de 242.000 tonnes.

Pour la période des dix premières années (1780-1789), les recettes ont été de 2.992.700 francs ; les bénéfices de 163.000 francs. Pour l'année 1821 seule, les recettes se sont élevées 816.440 francs et 555.500 francs ont été distribués aux actionnaires. Les actions émises à 15.000 francs et portées ensuite à 16.000 francs valaient alors 200.000 francs et rapportaient 7 %. C'est à cette époque que la Compagnie, enivrée de son succès, usant du droit que lui avaient conféré les lettres-patentes de 1779, doubla les prix de ses transports. Le tonnage pourtant ne cessa pas de s'accroître ; il atteignit, en 1827, l'année la plus prospère, 332.000 tonnes. Les recettes, cette année-là, s'élevèrent à 1.322.500 francs et 1.144.000 francs furent distribués aux actionnaires. On était, alors au point culminant de la prospérité de Rive-de-Gier.

Rive de Gier - Le Canal Quartier Berthelas

Le 3 décembre 1831 intervint une Ordonnance Royale de concession perpétuelle pour le prolongement du canal jusqu'à Grand’Croix. Ce prolongement fut immédiatement entrepris et terminé en 1839. Les dépenses totales pour la construction du canal de Givors à Grand'Croix et de ses dépendances ont atteint la somme ronde de dix millions.

On se trouvait alors en pleine extension de Rive-de-Gier. L'extraction de la houille était à son apogée et, facilitées par l'abondance et le bas prix du combustible, diverses industries se développaient rapidement. Les verreries Richarme, Roichot, Lanoir et la Compagnie générale de la Loire et du Rhône contribuèrent à augmenter le nombre d'habitants dans une proportion notable. Un peu plus tard que les verreries, des forges s'installèrent dans la partie Sud-ouest de la ville. Très modestes à leur début, elles ne tardèrent pas à leur tour à prendre un grand développement, et le chiffre de la population crût d'une façon notable. Mais le tonnage du canal qui, jusqu'en 1827, avait suivi une marche régulièrement ascendante,  commençait à baisser ; de 246.000 tonnes en 1830, il tomba à 172.000 tonnes en 184o, pour remonter à 238.000 tonnes en 1850 ; mais à partir de cette dernière époque, la décadence s'accentua : 146.000 tonnes en 1860 ; 82.000 tonnes en 1870, et finalement 24.000 tonnes en 1878.

Rive de Gier - Le Canal et Le Gier

Depuis lors, le canal est resté inactif ou à peu près. C'est que le chemin de fer construit sur la rive droite du Gier, en 1832, avait créé une concurrence sérieuse aux transports par eau. D'un autre côté, le prolongement jusqu'à Grand'Croix n'avait pas donné de bons résultats. La partie haute ne put être mise en exploitation, parce que les biefs perdaient leur eau par les fissures du sol provenant de l'exploitation des mines.

En I84I, le pont-canal qui traversait le Gier, à Lorette, fut emporté par une crue de la rivière. La cuvette, remplacée par une bâche en bois, fut de nouveau emportée en 1851 ; on dut abandonner la section de Grand'Croix à Lorette.

En 1872, le petit barrage et l'aqueduc de Varrey, qui amenaient au canal, à la hauteur du Sardon, les eaux du réservoir de Couzon, furent à leurs tours enlevés par une crue et la section de Lorette à la 32ème écluse dut être abandonnée. Les transports furent ainsi réduits de Givors à l'extrémité Ouest de la ville de Rive-de-Gier.

 

Rive de Gier - Pont de l'Industrie

Mais la cause principale de la ruine du Canal de Givors fut à coup sûr la concurrence du chemin de fer, concurrence à laquelle cette Compagnie ne sut pas résister. Elle abaissa bien les prix de son tarif pour les mettre en rapport avec ceux du chemin de fer ; mais, au lieu de continuer la lutte, elle prit peur et passa, en 1841, avec la Compagnie du chemin de fer, un traité mettant en commun les produits des deux exploitations, traité pour lequel le chemin de fer se fit naturellement la part du lion (70 % au chemin de fer et 30 % au canal).

D'un autre côté, en 185o, la Compagnie des mines de la Loire s'engagea, moyennant une réduction de tarif, à donner tous ses transports au chemin de fer. Enfin, en 1862, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon réunit à son réseau le chemin de fer de la rive droite du Gier, le répara et, peu après, par le pont de Chasse, le mit en communication avec la ligne principale. Dès lors, il n'y avait plus de lutte possible ; les facilités de transport par le chemin de fer étaient trop grandes et n'auraient pu être compensées que par un abaissement considérable du tarif, abaissement que les circonstances ne permettaient plus. En effet, la Compagnie des mines réunies avait signé, en 1845, avec le syndicat de la Société formée pour l'exploitation du canal de Givors, un traité par lequel elle prenait à bail, pour une durée de 82 ans, le canal de Givors et toutes ses dépendances, mobilier et matériel compris, moyennant un prix annuel, progressif jusqu'à la dixième année, où il devait atteindre le chiffre maximum de 240.000 francs, somme à payer toutes les années suivantes. Cette redevance était trop élevée et ne permettait pas un abaissement de tarif suffisant pour lutter contre le chemin de fer.

Rive de Gier - Port du Canal

En 1854, le Gouvernement, ému par les plaintes du commerce et de l'industrie, au sujet de la réunion d'un très grand nombre de concessions houillères en une seule Compagnie et du renchérissement du charbon qui en était la conséquence, le Gouvernement, disons-nous, armé de la loi de 1810, imposait le partage des concessions entre quatre groupes distincts : la Compagnie de Montrambert, la Compagnie de la Loire, la Compagnie de Saint-Etienne et la Compagnie de Rive-de-Gier. L'exploitation du canal, avec ses bénéfices et ses charges, fut, dans le partage, attribuée à la Compagnie de Rive-de-Gier.

En 1857, la Compagnie P. L. M. dénonça la résiliation du traité de 1841, qui la liait à la Compagnie du Canal ; elle fut condamnée aux frais et à donner une indemnité de 2.500.000 francs. C'était une belle aubaine pour la Compagnie des Mines de Rive-de-Gier. Elle estima néanmoins qu'il serait trop difficile et onéreux de soutenir la lutte de la navigation contre la concurrence du chemin de fer et elle ne s'inquiéta même plus de l'entretien du canal.

Nous donnons pour mémoire les derniers chiffres du tonnage décroissant du canal :
     En 1865 - 121.000 tonnes de houille
     En 1870 - 82.000 tonnes de houille
     En 1875 - 24.000 tonnes de houille

On vit encore circuler des bateaux pendant quelques années, les uns remontant des sables du Rhône pour les verreries, et les autres descendants des scories de forge pour les hauts fourneaux de Givors.
Enfin, en 1878, la navigation fut complètement abandonnée.
Par une convention en date du 2 avril 1886, approuvée par la loi du 16 août suivant, le Canal a été racheté par l'Etat qui en a pris possession le 4 novembre de la même année.
L'Hôtel du Canal a été, par suite, cédé à la Ville, qui a, en outre, été autorisée à prendre, dans le réservoir de Couzon et moyennant une redevance, malheureusement trop élevée, l'eau nécessaire à sa consommation.
Nous devons ajouter que l'abandon du Canal de Givors n'a eu, grâce à l'établissement du chemin de fer et à la diminution des tarifs, aucune suite trop fâcheuse pour Rive-de-Gier, qui a continué à croître en population et en prospérité.

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